Pour la sociologue américaine Priya Fielding-Singh, expliquer la malbouffe chez les plus pauvres par un défaut d’information ou le problème du coût est insuffisant : les parents défavorisés cèdent aux appels du soda car c’est le seul moyen dont ils disposent pour faire oublier les restrictions à leurs enfants. Il s’agit donc de changer la valeur symbolique de la nourriture.
Selon la chercheuse, toute étude sur les habitudes alimentaires doit prendre en compte la valeur symbolique et culturelle que nous associons à la nourriture. (…) Elle soutient que pour les parents les plus défavorisés, les conduites alimentaires ne sont pas seulement dictées par les contraintes du budget ou régies par l’ignorance. Elles sont une manière de faire de la nourriture un antidote contre la privation et la pauvreté.
L’alimentation est aujourd’hui un énorme champ d’innovations. Plus saine. Plus durable. Au juste prix, etc. Avec bien souvent un oeil sur la dimension sociale, pas que sur l’environnement. Les acteurs sociaux, quant à eux, sont confrontés à des populations pour qui le droit à l’alimentation (de qualité ou pas) ne va pas de soi.
Alter Echos a suscité la rencontre entre ces deux mondes. Pour vous emmener à la rencontre de toutes ces formes de circuits courts qui montent en puissance. Pour regarder ce qu’il y a dans les frigos des banques alimentaires et des cantines. Pour biner dans des potagers collectifs. En posant toutes sortes de questions : quel potentiel de création d’emplois ? Faut-il inciter les familles les plus défavorisées à se nourrir autrement ? A chercher d’autres sources d’approvisionnement que les grandes hard discounters ? Quelles ressources une alimentation plus durable peut-elle offrir à une organisation ou à une commune ? Avec à la clé quelques réponses qui ouvrent des pistes d’action et de réflexion insoupçonnées…
Ce dossier est divisé en deux parties :
- Les constats, pour comprendre de quoi on parle et à quelles échelles se situent les enjeux.
- L’expérimentation et la recherche d’autres modèles. La notion centrale est ici celle de circuit court.
- La panoplie des politiques et dispositifs au service des plus défavorisés. C’est là qu’apparaîtront les dimensions de la problématique qui restent trop discrètes quand on n’examine que l’offre : l’organisation des temps sociaux, les habitudes ménagères et domestiques, la sensibilité aux messages publicitaires, etc. Tous aspects qui auront tendance à être plus aigus chaque fois que les situations d’exclusion sont plus marquées.
En France, nous peinons encore à mettre à l’abri de la faim. Les auteurs de cette tribune proposent donc la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation, pour plus d’équité sociale, pour transformer notre modèle agricole et prendre ainsi soin de l’environnement.
« Près de 5 millions de familles sont dépendantes de l’aide alimentaire en France. Face aux dépenses contraintes, de plus en plus de personnes ne sont plus en mesure d’exprimer leurs préférences alimentaires, et sont obligées de se tourner vers les produits low-cost de l’agro-industrie, néfastes pour la santé comme pour l’environnement. Pourtant, les alternatives existent ! Pour les soutenir, l’association Ingénieurs sans frontières propose la création d’une sécurité sociale de l’alimentation : réserver un budget de 150 euros par personne et par mois à des produits bio, frais et de proximité. Explications. »
« Un nouveau public, souvent bien intégré socialement, vient grossir les files d’attente devant les associations. »
Portrait de ces nouveaux.elles usagers.ères, et état des lieux de l’offre et la demande de l’aide alimentaire en Belgique
Etude menée par les banques alimentaires qui détaille le profil de leurs bénéficiaires.
La sociologue et philosophe Anne Salmon décrit, dans une tribune au « Monde », la prise en charge croissante d’une crise alimentaire de plus en plus alarmante par un nouveau mouvement de résistance sociale au système de production dominant.
Le sociologue de l’alimentation et de l’agriculture Eric Birlouez rappelle, dans un entretien au Monde, qu’« un Français sur quatre restreint les quantités dans son assiette et un sur sept saute des repas ». L’ingénieur agronome décrypte également les nouvelles tendances de consommation, même s’il précise qu’il est trop tôt pour dire si elles vont perdurer après ce second confinement.
L’aide alimentaire, dont dépendent des millions de personnes en France, repose sur un vaste système de défiscalisation encourageant la surproduction. Pire, certaines grandes surfaces se débarrassent de denrées inutilisables auprès d’associations caritatives, tout en bénéficiant de réductions d’impôts.
Analyse de cette tendance qui considère « les pauvres » comme une sorte de poubelle lucrative de l’alimentation
La résilience alimentaire correspond à la capacité du système alimentaire à garantir notre sécurité alimentaire – soit la « possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive » – et ce malgré des perturbations variées et imprévisibles. Or aujourd’hui, en plus de ne pas assurer la sécurité alimentaire de toute la population française, notre système alimentaire montre de profondes vulnérabilités face aux bouleversements écologiques et sociaux – menaces qu’il contribue lui-même à aggraver.
Notre manière de produire, transformer, transporter et consommer notre nourriture doit connaître une véritable révolution si nous voulons assurer notre sécurité alimentaire dans un contexte de changement climatique, d’effondrement de la biodiversité, de raréfaction des ressources énergétiques et de récession économique. La responsabilité de cette transition n’incombe pas à la seule profession agricole, ni aux seuls consommateurs. Nous devons collectivement revoir les règles du jeu afin de généraliser des pratiques plus résilientes et soutenables. Une sécurité sociale de l’alimentation permettrait de faire un grand pas dans cette direction.