Étendre la Sécurité sociale à l’alimentation: pourquoi pas?

Des millions de ménages se nourrissent grâce à l’aide alimentaire. Et si on remédiait au problème d’accès à une alimentation de qualité en créant une sécurité sociale dédiée ?
Le Réseau Salariat, l’association Agrista, la Confédération paysanne et un collectif de chercheurs planchent sur cette « utopie concrète ».

Et si la Sécurité sociale, dont l’exécutif vante aujourd’hui les mérites, pouvait régler le problème de l’accès de tous à l’alimentation? L’idée fait son chemin. Un groupe de travail réunissant l’association Agrista, le Réseau Salariat, la Confédération paysanne et le réseau des AMAP étudie l’idée depuis trois ans.

M.E.P. – la Sécurité Sociale de l’Alimentation

Interview par le Ministère de l’Education Populaire (MEP) de Laura et Kévin, qui militent pour la mise en place d’une Sécurité Sociale de l’Alimentation.

Réseau Salariat est engagé dans un travail avec d’autres collectifs autour de la mise en place d’une Sécurité Sociale de l’Alimentation. Kevin et Laura nous racontent où en sont leurs travaux sur le sujet.

Demain, vers une démocratie alimentaire ?

« Alors que l’accès à l’alimentation est un droit, la pandémie, le confinement, nous ont fait nous rendre compte qu’il n’est pas réel pour l’ensemble de la population.

Avec la fermeture des lieux de restauration collective, le non accès aux allocations chômage pour une partie des personnes privées d’emploi (intérimaires, autoentrepreneurs…), une part bien plus importante et malheureusement encore croissante de la population a dû recourir à l’aide alimentaire. Aujourd’hui, ce sont 8 millions de personnes qui dépendraient de cette aide.

Toute cette réalité est difficile à admettre. Elle pose la question de la capacité de notre système alimentaire à répondre aux chocs, se relever et assurer la justice sociale dans l’accès de toutes et tous à l’alimentation.

Elle pose également l’urgence de penser des alternatives en termes d’organisation nouvelle de la société.

(…)

Nous pouvons nous inspirer des déjà-là, apprendre de ce qui vient de se passer pour poser de nouvelles bases du vivre ensemble, mettre en commun, croiser, innover… Nous pouvons, nous devons, être audacieux. Nous pouvons expérimenter la notion de démocratie alimentaire, et revendiquer son expression concrète dans les chantiers majeurs comme celui de la création d’une sécurité sociale de l’alimentation ou encore dans l’essaimage des tiers-lieux alimentaires, agoras démocratiques pour repenser collectivement notre système alimentaire. »

De la fourche à la fourchette… Non ! L’inverse ! Pour une sécurité sociale de l’alimentation

Agronome, Mathieu milite aujourd’hui au sein de l’association « Agriculture et Souveraineté Alimentaire » d’Ingénieurs sans frontières. Après avoir expliqué dans une première conférence gesticulée pourquoi il a refusé le titre d’ingénieur, Il explique dans celle-ci comment dans son parcours d’agronome militant s’est imposée l’idée de coupler le projet d’une autre agriculture avec celui d’une autre alimentation, et les politiques nécessaires qui en découlent.

Alors que les désastres écologiques, économiques et sociaux d’une agriculture industrielle ne sont plus à démontrer, les initiatives pour produire, transformer et consommer autrement fleurissent, des plus intéressantes aux plus détestables – mais bien trop souvent réservées à une partie seulement de la population. Les tenants de l’agriculture industrielle argumentent qu’elle est nécessaire pour nourrir les pauvres, et se réjouissent d’une dualisation des modèles agricoles et alimentaires qui ne la remet pas en cause et dont ils espèrent bien tirer profit. L’aide alimentaire, empêchant les plus démunis de mourir de faim, est construite comme un soutien financier et idéologique à l’agriculture industrielle, privant ainsi du droit à l’alimentation – bien différent du droit à être nourri – 5,5 millions de personnes en France. Il devient primordial de penser comment généraliser l’accès de tous et toutes à une alimentation de qualité et choisie, sans quoi toute transformation du monde agricole est impossible, sans quoi toute agriculture paysanne n’a d’avenir que dans la marginalité ou la récupération.

Le choix de ce que l’on mange est primordial pour assurer la dignité de tous et toutes. Le choix n’est pas qu’un mécanisme individuel parmi des produits proposés, quand bien même le critère économique ne serait plus un frein : le véritable choix est de pouvoir choisir ce qu’il y a dans les rayons, quelles sont leurs conditions de production, quels critères économiques, sociaux et environnementaux ils respectent. C’est à dire pouvoir tous et toutes s’exprimer en tant que citoyen·nes sur notre alimentation, et non en tant que consommateurs·trices. A la notion de souveraineté alimentaire – décrite ainsi lors de la déclaration de Nyéleni en 2007 « droit des peuples à une alimentation [suffisante] saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires » – on préférera alors celle de démocratie alimentaire, pour insister sur l’importance du processus démocratique dans l’élaboration de la souveraineté pour respecter le droit à l’alimentation de tous et toutes.

Et si l’on exerçait la démocratie alimentaire grâce à une sécurité sociale de l’alimentation ? Au delà du constat, cette conférence permet également de présenter le travail de l’association « Agricultures et Souveraineté Alimentaire » d’Ingénieur Sans Frontière sur le projet de sécurité sociale de l’alimentation. Aidé par différents réseaux et notamment réseau salariat pour la compréhension des mécanismes de la sécurité sociale, déjà-là exceptionnel pour penser la notion de démocratisation d’un secteur économique, ce projet propose d’étendre le principe de cotisation pour couvrir l’accès de tous et toutes à une alimentation de qualité, choisie à la fois individuellement et collectivement par un fonctionnement démocratique. Un hommage à l’un des fondamentaux de l’égalité en France, qui ne demande rien de mieux pour être protégé que d’être étendu à d’autres secteurs !

Envie d’organiser une représentation? De constater le gesticulant? C’est juste ici : https://conferences-gesticulees.net/conferences/de-fourche-a-fourchette-non-linverse/

Pour une sécurité sociale de l’alimentation

Dossier vaste, complet et « multimédiatique » (vidéo, texte, podcast) destiné à appréhender au mieux la notion de « sécurité sociale de l’alimentation » et des enjeux qui l’entourent.

« Avant même le Covid-19, 5 millions de personnes en France dépendaient déjà de l’aide alimentaire pour se nourrir. Avec le confinement imposé par le gouvernement, le chômage technique de milliers de personnes, la fermeture des marchés ainsi que l’effondrement de l’intérim ont provoqué une baisse importante et brutale des revenus des précaires. De plus, avec la fermeture des établissements scolaires, de nombreux enfants ne peuvent plus déjeuner gratuitement à la cantine.

De plus, l’alimentation est dominée par des systèmes alimentaires agro-industriels gourmands en ressources, mis en cause dans les changements climatiques, pauvres en emplois et fournissant des aliments de mauvaise qualité nutritionnelle à l’origine de pathologies multiples.

Aussi, depuis quelques années, l’idée d’une Sécurité sociale de l’alimentation fait son chemin … Découvrez-la dans ce dossier spécial. »

Pour une Sécurité Sociale au XXIème siècle : un projet de sécurité sociale de l’alimentation

Ce document, très fourni et intéressant, édité par le réseau salariat, arpente la perspective d’une sécurité sociale de l’alimentation pour contrer « le modèle capitaliste de l’industrie agro-alimentaire ». Malgré une vision très structurelle et socio-économique, ce document prospectif invite également à l’émancipation de chacun.e via cet enjeu intersectionnel s’il en existe : l’accès à une alimentation de qualité.

« L’alimentation est une question vitale et qui concerne absolument tout le monde ! Elle a des enjeux locaux et internationaux, elle pose des questions fondamentales de pouvoirs, d’inégalités sociales, d’organisation du travail, du poids des multinationales et du rôle des pouvoirs publics pour renforcer leur poids ou bien le contrer. C’est également un secteur où la financiarisation joue un rôle majeur, la mécanisation remplace les emplois, l’exploitation des humains, des animaux et des ressources naturelles y est au cœur… Un sujet politique majeur qui touche à la santé publique, à l’environnement, aux inégalités sociales, aux inégalités territoriales… et qui révèle avec acuité les ravages du système capitaliste.

L’alimentation analysée comme système, de la production à la consommation en passant par la transformation et la distribution, apparaît être une grille de lecture assez efficace pour apprécier l’état d’une société.Ainsi, les mots de Via Campesina[9] : « le modèle agro-industriel porte en lui le conflit social, l’exploitation du travail, la destruction de l’environnement, les dégâts sur la santé et la pauvreté rurale. » illustrent parfaitement les maux de la société capitaliste. A contrario, les exemples de la commune du Rojava[10] ou les communautés du mouvement zapatiste au Chiapas sont, sur le plan de l’alimentation, assez éclairants. »