Des organismes d’aide alimentaire bruxellois ont mené entre 2015 et 2018 le projet Solenprim, visant à développer des initiatives pilotes pour permettre aux personnes les plus précaires d’avoir un accès plus durable à une alimentation de qualité. Le projet repose sur le constat que les mouvements qui veulent développer des systèmes alimentaires durables ne sont que peu accessibles aux personnes en situation de précarité. À la lumière des expérimentations de Solenprim, qui ambitionnait de construire des ponts entre acteurs de l’aide alimentaire et ceux de l’alimentation durable, l’article développe les raisons qui permettent de comprendre pourquoi ces mouvements peinent aujourd’hui à atteindre leurs ambitions démocratiques. Elles tiennent d’une part au référentiel moral véhiculé en matière de « manger sain et responsable ». Ces cadres normatifs ne tiennent généralement pas compte de la façon dont les situations de pauvreté peuvent affecter l’acte alimentaire dans sa complexité. D’autre part, les espaces et initiatives qui offrent des produits alimentaires durables reproduisent, malgré eux, des barrières financières et socio-culturelles qui tendent à les rendre inaccessibles aux personnes en situation de pauvreté.