L’aide alimentaire est une thématique peu présente dans les médias généralistes. Non que la presse n’en parle pas, mais le sujet est systématiquement vu par l’un ou l’autre petit bout de la lorgnette. Soit côté misérabiliste, distribution de soupe populaire à la gare de BruxellesCentral ; soit côté événementiel, le spectacle annuel des Enfoirés. Si celui-ci permet de rappeler l’existence des Restos du Cœur, son objectif initial de sensibilisation et de militantisme s’est émoussé avec le temps et beaucoup le regardent comme une affable émission de divertissement.
Colis alimentaires, épiceries et restaurants sociaux, … l’aide alimentaire est pourtant bien un secteur à part entière. Et les activités qu’il génère sont marquées du sceau de la solidarité. Solidarité institutionnelle : une part importante du financement provient de l’Europe ; solidarité interpersonnelle : le secteur repose sur le dévouement de très nombreux bénévoles.
Ce secteur est aujourd’hui à la veille d’une réorganisation fondamentale. Son architecture institutionnelle européenne sera tout prochainement complètement revue. Il va (plus que probablement) passer de la DG Agriculture à la DG Emploi et Affaires sociales, en perdant (très
certainement) une part importante de son budget lors de ce déménagement. Parallèlement, le secteur tend à se structurer, et questionne cet espace dans lequel coexistent don de soi charitable et travail social professionnel.
L’occasion d’approfondir cette thématique nous est donnée par deux initiatives de la Fédération des Services Sociaux (qui abrite la Concertation Aide Alimentaire). La première s’est déroulée au premier semestre de cette année, dans le cadre d’un appel à projets lancé par Emir Kir, portant la casquette de secrétaire d’Etat bruxellois à l’Urbanisme. Les façades de huit associations d’aide alimentaire bruxelloises ont été «verdurisées» afin d’attirer l’attention du grand public sur la problématique. Voyez nos pages illustrées au centre du numéro.
La seconde est l’organisation d’un colloque européen qui se tiendra à Bruxelles les 18 et 19 décembre 2012. Intitulé «Droit et accès à l’alimentation : quelle stratégie d’aide alimentaire pour l’Europe de demain ?». A cette occasion, certains articles de ce numéro seront traduits en néerlandais et en anglais afin d’alimenter la réflexion des participants. Les débats et perspectives issus de ce colloque serviront de point de départ à un second dossier du BIS sur la thématique, qui paraîtra en avril 2013.
En quelques reportages et interviews, le BIS propose d’éclairer les différents enjeux liés à ces questions. La place est d’abord laissée au politique. Avec les ministres R. Madrane pour la COCOF et E. Huytebroeck pour la COCOM et la Région bruxelloise, les premières perspectives sont lancées : faire lien avec l’économie locale en amont, et l’action sociale, l’aide aux personnes, en aval (à lire p.3). Petit détour ensuite par la France et le programme Uniterres qui consiste à alimenter les épiceries sociales en produits frais par l’intermédiaire de maraîchers locaux. Quand l’innovation et l’économie sociales donnent un nouveau souffle à l’aide alimentaire… (à lire p.10). Mais cette démarche est-elle transposable chez nous ? Le BIS, de retour en Belgique, part à la rencontre du monde agricole et des épiceries sociales, à la sauce belge !
Dans les grandes lignes, en Belgique comme en France, mêmes constats, mêmes conclusions : agriculture et social ont tout à gagner à se mettre ensemble (à lire p. 25). Pour s’orienter vers de nouveaux modes de consommation. Et retrouver du sens dans l’assiette de tous ?… «Pour que la question de la faim arrête d’être appréhendée comme une question technique» , précise Olivier De Schutter, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation. Entre démultiplication des intermédiaires et chute des prix des matières premières, «on a oublié que dans les civilisations passées, notamment les civilisations primitives, traditionnelles, l’alimentation est un bien public». D’où, le rôle de l’aide alimentaire aujourd’hui : devenir un véritable acteur qui invente, rassemble, innove. C’est le chemin que prend déjà depuis quelques années la Concertation Aide Alimentaire à Bruxelles (à lire p.35) : pour que l’alimentation de qualité devienne une véritable réalité pour tous !
Depuis quelques décennies, l’aide alimentaire semble s’imposer comme une réponse incontournable à la pauvreté. Colis alimentaires, restaurants sociaux et épiceries sociales permettent à des centaines de milliers de personnes de se nourrir ou de soulager leur budget. Une aide nécessaire qui se paie souvent au prix de la dignité.
Comment comprendre le développement d’un circuit alimentaire « pour les pauvres » dans nos sociétés d’abondance ? Comment ces aides s’articulent-elles aujourd’hui avec les mécanismes de protection sociale ? Qu’en pensent les personnes qui y ont recours ?
Les auteurs de cet ouvrage explorent l’aide alimentaire sous différents angles : à partir de l’histoire politique, sociale et économique qui tend à l’ériger en solution privilégiée pour répondre à la précarité ; à partir de ce qu’en disent ceux et celles qui la vivent au plus près (les personnes qui y ont recours et celles qui la mettent en œuvre) ; à partir enfin d’expériences menées dans le champ de l’alimentation durable à la recherche d’alternatives.
Cet ouvrage collectif initié par la Concertation Aide Alimentaire (FdSS-FdSSB) en collaboration avec le CBCS, rassemble les contributions de dix auteurs provenant de différents horizons : Jeffrey Tyssens, Peter Scholliers, Catherine Rousseau, Pierre Reman, Deborah Myaux (dir.), Louise Méhauden, Charlotte Maisin, Hugues-Olivier Hubert, Philippe Defeyt et Lotte Damhuis.
Loin d’offrir un horizon politique désirable, l’aide alimentaire demeure un puissant révélateur de l’évolution de notre société et de notre système de protection sociale.
Article abordant la (nécéssaire) rencontre actuelle entre problématiques d’aide alimentaire et développement de projets en alimentation durable, à travers, entre autres, la présentation du projet « Solenprim » questionnant l’accessibilité de l’alimentation durable à Bruxelles.
« Pourquoi faire le lien entre alimentation durable et aide alimentaire ? Pour la Fédération des Services Sociaux (FDSS), le rapprochement de ces deux univers offre une nouvelle manière de penser le droit à l’alimentation. Et interroge les enjeux de la participation – des usagers, des chercheurs, des travailleurs sociaux – à la co-construction d’un accès à une alimentation de qualité pour tous. »